Dans un songe, aussitôt, il vit, comme autrefois,
La terre d’Acadie et ses verdoyants bois
Et ses ruisseaux d’argent, ses prés et ses villages
Et le toit de son père au milieu des feuillages,
Et son Évangéline allant à son coté,
Dans toute sa jeunesse et toute sa beauté
(Evangéline, Longfellow)
Nous continuons ensuite jusqu’à Herring Cove, où se trouve un parc naturel avec des sentiers de marche. Nous nous baladons entre forêt et océan, c’est très joli. Au loin on distingue Halifax dans la brume. Cela fait du bien de marcher un peu !
Notre troisième étape du jour est pour Peggy’s Cove, sans doute le port et le phare les plus photographiés des environs de Halifax. C’est vrai que l’endroit est mignon comme tout, avec son grand phare, les vagues qui se cassent sur les rochers, et les bateaux de pêche multicolores. Il fait assez gris et il est déjà tard alors une bonne partie des touristes est déjà partie lorsque nous arrivons, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Il existe un tampon officiel de la ville mais ils ne veulent le faire que sur les passeports (or les nôtres sont déjà bien pleins…) ou sur des cartes postales à envoyer immédiatement, alors on renonce…
Nous reprenons ensuite la route jusqu’à notre hébergement pour la nuit, une petite cabane du côté de Vaughan. Elle a été construite par nos hôtes sur leur terrain, à quelques dizaines de mètres de leur maison. Nous aimons bien ce système, à la fois nous avons notre intimité complète et en même temps en cas de besoin nous ne sommes pas trop loin de nos hôtes. Nous arrivons à 20H30 et on sent qu’il n’aurait pas fallu arriver plus tard, nos hôtes ont l’air de se coucher bien tôt 😉 On se dépêche de prendre nos douches (la salle de bains est dans la maison principale) et on les laisse se reposer pendant que nous faisons notre petite vie chez nous !
Le lendemain nous partons assez tôt car Benoît a repéré une visite guidée de Grand Pré à 10H30. Nous arrivons en effet sur les terres acadiennes, dont Grand Pré est l’un des villages emblématiques. En chemin nous faisons un arrêt à Fort Edward, où nous rencontrons une charmante guide ravie de parler un peu français.
Nous ne connaissions pas grand-chose à l’Acadie avant d’arriver dans la région (bon, sauf la chanson « tous les Acadiens, toutes les Acadiennes… » que j’avais apprise à l’école !) et c’est avec beaucoup d’intérêt que nous en apprenons plus sur l’histoire de cette région. Fondée en 1604, et peuplée à partir de l’ouest de la France, l’Acadie fut l’une des premières régions de peuplement européen en Amérique du Nord. Durant plus d’un siècle les Acadiens vécurent en harmonie avec les Mi’kmaq (les autochtones) ; des mariages entre les deux communautés eurent même lieu. Et puis, au fil du temps, avec l’arrivée et le conflit entre les Français et les Anglais, il fut de plus en plus difficile pour les Acadiens de conserver leur neutralité dans ce territoire très convoité. Ils réussirent malgré tout à cohabiter plus ou moins paisiblement durant plusieurs décennies avec les Anglais. Et puis, en 1755 les Anglais organisèrent la Grande Déportation, obligeant des milliers d’Acadiens à quitter leurs maisons pour aller s’exiler soit en Europe (que ces générations n’avaient jamais connue) ou ailleurs sur la côte nord-américaine, jusqu’à la Nouvelle-Orléans. Les Cajuns descendent ainsi directement des Acadiens. Ce n’est que huit ans plus tard que les Acadiens eurent le droit de revenir en Acadie, mais leurs maisons avaient été brûlées, leurs champs récupérés par les Anglais… Tout cela n’empêcha pas un bon nombre d’entre eux de se réinstaller dans la région. L’histoire de l’Acadie c’est une histoire de résilience, et aujourd’hui beaucoup de drapeaux acadiens flottent fièrement au-dessus des maisons de la région !
La visite guidée de Grand Pré est très intéressante et nous montre toute l’ingéniosité dont les Acadiens ont fait preuve en terme d’agriculture : immense digue construite pour préserver les champs des marées (particulièrement hautes dans la région), rigoles d’évacuation des eaux de pluie… Nous découvrons également l’église dans laquelle l’annonce de la Grand déportation fut faite en 1755, et dans laquelle des dizaines d’Acadiens furent retenus plusieurs jours durant. Devant l’église trône la statue d’Evangéline, l’héroïne (fictive) du poème de Longfellow racontant l’histoire d’Evangéline et de son amant Gabriel, séparés lors de la Grande Déportation et qui n’auront de cesse d’essayer de se retrouver. Le site dans son ensemble est magnifique, avec une très belle végétation, des champs à perte de vue et l’océan dans le lointain.
Il est 14H30 passées lorsque nous quittons Grand Pré ; c’est bien plus tard que ce que nous avions prévu, mais le lieu nous a passionnés… et puis n’est-ce pas là toute la liberté et la beauté des roadtrips, pouvoir s’arrêter et changer les plans à l’infini ? Nous ne repartons pas les mains vides, l’équipe du musée a gentiment accepté de remplir nos cups d’eau chaude, ce sera notre thé du jour.
Notre étape suivante est pour Wolfville. J’avais lu que le Farmer’s Market était très chouette et je voulais y faire un tour. Il est malheureusement fermé aujourd’hui mais le front de mer est agréable, et puis nous nous baladons un peu sur le campus de l’université d’Acadie, seule université francophone de la province. C’est un véritable campus à l’américaine, avec de grands espaces verts. Last but not least, Benoît nous déniche une petite bonbonne de gaz en prévision de nos nuits de camping la semaine prochaine, voilà une bonne chose de faite !
Nous poursuivons ensuite jusqu’à Halls Harbour, un petit port qui plaît beaucoup à Benoît. C’est vrai qu’il est adorable, avec son ponton et ses maisons de bois, et il est bien moins touristique que Peggy’s Cove. Par contre j’avais lu un article où la blogueuse s’extasiait de la « magnifique plage de sable noir », je ne sais pas bien ce qu’elle avait fumé avant d’écrire mais bon, c’est plus des graviers sombres que du sable noir ^^
Notre dernier arrêt du jour est pour Annapolis Royal ; nous arrivons malheureusement trop tard pour visiter le jardin botanique mais la lumière sur la rivière est superbe, et nous faisons une jolie balade le long du French Basin.
Ce soir, nous dormons à côté de Bear River, dans une maison donnant sur un lac semi-privé. C’est immense, très propre, et notre hôtesse est adorable. Elle nous a préparé plein de petites attentions, du popcorn à faire au micro-ondes, de l’eau au frigo, des chocolats… Cela m’a pris du temps à organiser mais je suis vraiment contente de mes réservations AirBNB sur ce roadtrip 😉